Vous êtes vous déjà demandé pourquoi les PDG d’entreprises de réseaux sociaux n’autorisent pas l’usage de leurs plateformes à leur propres enfants ? Sommes nous aujourd’hui capable de mesurer le réel impact de chaque clic sur Internet, chaque page que nous rafraichissons ? Sommes nous utilisateurs ou utilisés ? Le documentaire drame “Social Dilemma” ,ou en français “Derrière nos écrans de fumée”, répond à ces questions.
“Rien d’excessif ne s’insinue dans la vie des mortels qui ne l’expose au malheur” – Sophocle
Il est indéniable que la technologie et les réseaux sociaux ont permis des avancées majeures dans plusieurs domaines : ils ont réunis des familles, permis de trouver des donneurs d’organes et ont permis d’autres changements systémiques significatifs ! Cependant, nous sommes en train de perdre de vue ces fonctions positives des plateformes…
Social dilemma réuni des experts, anciens PDGs ou ingénieurs qui sont à l’origine même des réseaux sociaux sur nos écrans. Tristan Harris, ancien éthicien du design chez Google ou Tim Kendall, ancien exécutif chez Facebook et PDG de Pinterest et d’autres figures influentes dans l’industrie sont très inquiets et ont de plus en plus de préoccupations quant au côté éthique de la situation. Ces experts sont conscients de l’envers de la médaille qu’ils ont façonné et nous expliquent comment les réseaux sociaux ont causé de nombreux dommages à notre société et ouvrent ainsi une discussion nouvelle autour de ces outils et leurs dangers.
Si l’on ne paie pas pour un produit…c’est qu’on est le produit
Les compagnies et entreprises possédant les réseaux sociaux comme Google, Youtube, Twitter et bien d’autres sont aujourd’hui les plus riches au monde. Mais comment génèrent-elles tout ce revenu ? Je n’ai pourtant pas besoin de payer pour utiliser Facebook par exemple…Ce documentaire nous explique qui si nous ne payons pas, c’est que nous ne sommes pas les acheteurs, mais le produit. Les changements imperceptibles, graduels de nos comportements et vision sont le produit de cette industrie. Qui sont alors les acheteurs? Ce sont des sociétés de publicité. Le professeur honoraire de Harvard Business School Shoshana Zuboff nous explique le principe du “Capitalisme de Surveillance” : le but est d’être capable de créer un modèle qui prédit nos actions le mieux possible. Si les prédictions sont précises et exactes, les annonceurs pourront placer avec succès leur annonce là et quand il le faut. Ces modèles et algorithmes sont beaucoup plus performants que nous ne l’imaginons et par conséquent, ils collectent plus d’informations que nous ne croyons. C’est un peu troublant, n’est-ce pas ? On comprend alors que cette industrie met la manipulation au centre de toutes ces actions.
Technologie ou magie ?
Si les magiciens réussissent à nous faire voir des choses qui n’existent pas, c’est qu’ils savent comment notre cerveau réagit à ce qu’il voit. Ainsi, ils créent leur tours en gardant en tête qui assiste au spectacle, l’angle de vision, etc. Les technologies derrière les réseaux sociaux fonctionnent d’une manière similaire. Elles utilisent la psychologie et nos fonctions biologiques pour rendre, grâce à des techniques de design, leurs plateformes plus persuasives et engageantes. Cela rend leur usage addictif, un piège dans lequel il est difficile de ne pas tomber. Tout cela se fait sans jamais déclencher l’attention des utilisateurs. Il s’agit d’une course injuste entre notre cerveau qui n’a pas évolué comparé à l’évolution massive de la puissance de traitement informatique ces dernières années. Edward Tufte dit : “There are only two industries that call their customers “users”: illegal drugs and software” (Il n’y a que deux secteurs qui appellent leurs clients » utilisateurs « : celui des drogues illégales et les logiciels).
On ne cesse de nous le rappeler mais le psychologue social Jonathan Aid nous assure que la génération Z est depuis 2010 la plus anxieuse, dépressive, seule et la moins à l’aise pour prendre des risques. Mais les conséquences ne sont pas réservées seulement aux adolescents …
Les “trous de lapin” d’Internet
Imaginez si Wikipedia se mettait à personnaliser les définitions qu’elle vous propose, si sa réponse était différente selon votre âge, localisation, et les précédentes pages que vous avez consulté. Dans ce cas, laquelle d’entre la définition qui m’est proposée et celle proposée à mon voisin est la plus proche de la réalité ? Il serait plus difficile de se mettre d’accord sur quoi que ce soit, même en effectuant l’exacte même recherche…C’est exactement ce qui se passe avec les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Sans une certaine compréhension commune de la réalité, il est impossible de discuter. Cela distrait de réels problèmes, augmente la polarisation, le populisme, la diffusion des théories du complot et l’aide à des groupes tels que les flat-earthers et les suprémacistes blancs. Nous sommes plus divisés que jamais et cette polarisation politique et désinformation est extrêmement efficace pour augmenter notre temps passé sur les réseaux sociaux. Une étude révèle que les “fake news” se propagent 6 fois plus vite que les véridiques : il est apparemment plus vendeur de nous dire que la Lune n’existe pas que de nous alerter sur les dangers du changement climatique. Il est facile de tomber dans ces trous de lapin et l’algorithme fera que de plus en plus de théories de conspiration apparaîtront sur votre fil de recommandations. Il est difficile de mesurer les vrais dommages que cela crée puisque de notre côté de l’écran, tout ce que nous croyons faire, c’est simplement cliquer…
Ce documentaire nous explique donc l’envers du décor dans l’espoir de créer une discussion autour de ces problèmes et pourquoi pas, réformer ce modèle car il ne faut pas l’oublier : plus le piège est grand, plus il sera difficile de s’en débarrasser.
M.A
Sources :
Le documentaire Social Dilemma