Le doute est le moteur de toute recherche scientifique mais face à la question climatique un étrange phénomène se produit. Aujourd’hui, 97% de la communauté scientifique est convaincue qu’un changement climatique est en cours et que les activités humaines en sont le principal responsable. Ce consensus est le fruit de plusieurs décennies de recherches et de doutes. Or, dans la société civile, le mythe d’un grand mensonge scientifique persiste. Les résultats ne seraient pas si sûrs et, après tout, la science peut se tromper, non ? Voilà comment l’on s’éloigne du doute étayé par des arguments pour entrer dans le déni soutenu par des croyances. Parfois, il semble plus confortable de nier le changement que de l’accepter, ça évite d’en assumer les conséquences…
“Non le changement climatique n’existe pas. Enfin en tout cas, il n’est pas lié aux activités humaines. Et puis, quand bien même, ses conséquences seront peut-être positives ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est que l’on pourra revenir au climat d’avant grâce nos supers-pouvoirs technologiques.”
Voici les quatre étages d’une fusée bien rodée : celle des climatosceptiques. Quatre points de contestation rebattus à longueur de débats, de publications ou d’apparitions médiatiques.
Regardons les arguments phares:
« Ces 15 dernières années, les températures moyennes du globe ont stagné; Donc le changement climatique est une illusion !». Sauf que prendre une période si courte revient à regarder un paysage grandiose à travers une nouille plate. Depuis 1850, chaque décennie est plus chaude que toutes les précédentes. Un ralentissement sur 15 ans ne modifie pas cette tendance longue. « Oui mais au Moyen-Âge, il a fait plus chaud ». Oui, mais non. Il n’a fait plus chaud que dans l’hémisphère Nord, pas sur le globe dans son ensemble comme aujourd’hui. « Ok, il y a peut-être un réchauffement mais c’est à cause des rayonnements solaires ». Toujours pas. Depuis 35 ans l’activité solaire diminue alors que les températures continuent de grimper.
Mais malgré les évidences scientifiques, le doute continue à infuser depuis des décennies. Aujourd’hui 17% des Australiens, 15% des Norvégiens ou 12% des Américains ne croient tout simplement pas qu’un changement climatique soit en cours. En France, 22% de la population doute du lien entre les activités humaines et le changement climatique. Quel est donc le carburant des climatosceptiques, alors que 97% des scientifiques reconnaissent qu’il y a bien un changement climatique en cours lié à nos activités ?
D’abord, il y a le doute, pierre angulaire de toute science. Les scientifiques ne sont jamais sûrs à 100%, alors les sceptiques se glissent dans les pourcentages restants. Mais l’observation vaut parfois mieux que tous les discours. En 2010, le physicien américain Richard Muller doute des chiffres de l’évolution des températures présentés par le GIEC, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat. Convaincu que des erreurs humaines se sont glissées dans les relevés utilisés par le GIEC, il conçoit une méthode entièrement automatisée du traitement des données. Deux ans plus tard, il obtient les résultats : ils sont identiques à ceux utilisés par le GIEC. Il abandonne alors les rangs des climatosceptiques.
L’autre carburant de cette fusée est financier. Willie Soon, astrophysicien américain, attribue le changement climatique aux rayonnements solaires. Pour mener ses recherches, il a reçu plus de 1,2 million de dollars d’entreprises comme Southern Company, géant de l’énergie américain, ou Exxon Mobil, l’un des plus grands groupes pétrolier au monde. Entre 2005 et 2008, ExxonMobil a d’ailleurs dépensé près de 9 millions de dollars pour financer différents think tanks niant le changement climatique. Koch industries, géant du pétrole, de la chimie et des matières premières quant à lui leur a généreusement légué près de 25 millions de dollars. Quand on aime on ne compte pas.
Finalement, les climatosceptiques ne rejettent pas le changement climatique. Ils refusent surtout les conséquences de ce constat : changer de modèle. Les risques pour le chiffre d’affaires des géants des énergies fossiles semble plus palpable que les impacts du changement climatique. Peut-être plus pour longtemps…
Ahmed Amine
SOURCES:
GIEC
France télévisions nouvelles écritures / datagueule
Institut Heartland