Nous passons le plus clair de notre enfance et adolescence à l’école. Là-bas, on se cultive, on développe notre esprit critique, notre créativité, notre curiosité et on y intériorise des valeurs essentielles. On dit que l’école est un lieu sécurisé où nous pouvons grandir et devenir les adultes de demain, des adultes cultivés, respectueux, persévérants et qui savent se forger une place dans la société. Nos professeurs, acteurs centraux de notre éducation, nous transmettent leurs savoirs dans la bienveillance et la neutralité. Mais malgré cela, l’école pose un réel problème : beaucoup de stéréotypes, freins au développement de nos mentalités et de nos sociétés,y sont véhiculés, notamment à travers un outil majeur de notre éducation, le manuel scolaire.
Dans les manuels scolaires, accompagnateurs de notre réussite, on retrouve souvent des problèmes de mathématiques qui reprennent des situations du quotidien. Quoi de mieux pour nous apprendre à raisonner ! On y retrouve ainsi Mathieu, athlète professionnel, qui cherche à connaître le temps qu’il lui aura fallu pour courir 100m s’il court à 4 km/h. On retrouve Ahmed qui fixe son étagère au mur et qui veut s’assurer qu’elle soit parallèle au sol. On y retrouve aussi Anna, mère de famille, qui se demande combien de parts elle peut couper dans un gâteau de 20 centimètres de diamètre pour ses 15 invités. Ne remarquez-vous pas que c’est un peu cliché ? En effet, dans les manuels d’écoles, les femmes représentent 70% de ceux qui font le ménage mais seulement 33% des sportifs et 3% des scientifiques ! Après avoir eu nos têtes dans ce genre de manuels pendant 14 ans, nous ressortons de l’école avec une idée précise de la place de chacun et de chacune dans le monde. Bien que cette idée soit complètement erronée, beaucoup d’entre nous finissent par l’intérioriser et se retrouvent dans une position qui ne leur plait pas, mais qui leur a été vicieusement imposée par leur éducation.
Mais le problème ne s’arrête pas qu’aux mathématiques. En cours d’histoire, nous étudions les exploits de Napoléon Bonaparte. En cours d’arts plastiques, nous admirons les fresques surdimensionnées de Michel Ange. En cours de français, nous dévorons les chefs-d’œuvre de Victor Hugo. En cours de cinéma, nous critiquons les films de Quentin Tarantino. En cours d’anglais, nous actons les pièces de William Shakespeare. En cours de physique, nous comprenons les lois d’Isaac Newton. En cours de philosophie, nous explorons les idées de Baruch Spinoza. Au cas où vous ne l’aurez pas remarqué, l’école, bien qu’implicitement, nous fait comprendre que les hommes sont les seuls personnes capables de penser et d’agir. Pourquoi ne parlons-nous pas de l’audace de Rosa Parks ? De la détermination d’Olympes de Gouges ? Des personnages fascinants de Jane Austen ? Du combat de Simone de Beauvoir ? De la lutte des Suffragettes ? De Rosalind Franklin ? De Simone Veil ? De Malala ? Des sœurs Brontë ? De Valentina Terechkova ? De Margaret Hamilton ? Si certains de ces noms de vous sont pas familiers, c’est parce que 97% des personnages historiques dont nous étudions les biographies sont des hommes, alors que nombreuses sont les femmes qui ont eu un impact aussi grands qu’eux sur le monde, alors qu’elles n’avaient même pas les mêmes opportunités…
Il est vrai qu’avant, les femmes n’avaient pas les mêmes droits, les mêmes moyens que les hommes, et n’ont donc pas pu exploiter leur potentiel au maximum, ou du moins autant que la gente masculine. Cependant, nous savons aujourd’hui que sans les femmes, le monde ne serait pas ce qu’il serait aujourd’hui. Nous connaissons de nombreuses femmes remarquables dont nous connaîtrions l’histoire, si l’école n’était pas inscrite dans un système aussi patriarcal. Alors pourquoi ne nous les étudions pas, si ce n’est que pour montrer aux jeunes écolières, collégiennes et lycéennes aujourd’hui qu’elles peuvent, elles aussi, accomplir de grandes choses. Si nous ne reconnaissons pas vite l’importance des femmes dans l’Histoire, beaucoup d’entre nous, dépourvues d’héroïnes ou de modèles, ne pourront pas devenir physiciennes, astronautes, écrivaines, et bien d’autres métiers à se lancer dans des métiers à prédominance masculine. Apprenons aux jeunes filles d’aujourd’hui qu’elles ont leur place dans la science, le droit, la médecine, la littérature, le cinéma et partout où elles veulent être.
Alia Guedira
Illustration : “Old school books” by justmakeit is licensed under CC BY-NC 2.0
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