Ce portrait a été réalisé dans le cadre du concours Paroles de presse organisé par l’AEFE. Il s’agissait de réaliser le portrait d’un ancien élève de notre lycée. Celui-ci, intitulé Mehdi Zaidi, le parcours d’un esprit cartésien a gagné le prix du meilleur témoignage du palmarès 2016.
Mehdi Zaidi a aujourd’hui 30 ans. Consultant marocain dans un cabinet parisien de conduite du changement, il a suivi toute sa scolarité au lycée français de Rabat. Il nous a parlé de son parcours et de ses projets pour demain, alors qu’il est tout juste sorti début mai de l’hôpital où il se trouvait depuis six mois suite aux attentats du 13 novembre à Paris.
Mehdi Zaidi est né en 1986 à Rabat. Tout jeune, il part s’installer en France avec son père et sa mère qui y exerce le métier de cardiologue. Il rentre au Maroc en 1994 et intègre d’abord l’école française Ronsard de Rabat. Le Lycée Descartes est pour lui un lieu de fascination : » C’est chez les grands, un endroit mystérieux, inquiétant et excitant à la fois, dont les légendes urbaines nous parviennent amplifiées, déformées et joyeusement colportées dans la cour de récré « .
En 1997, il entre en classe de sixième au Lycée Descartes. Il le décrit alors comme un immense lycée, dans lequel il » faut deux heures pour aller du CDI aux vestiaires de sport » et qui réunit tous les élèves des écoles primaires de Rabat. La configuration de l’établissement l’oblige à s’adapter rapidement.
Descartes, c’est selon lui « une vie en vase clos, bien remplie entre les premières amours, les petites histoires et les grands psychodrames. »
Son bac en poche, il rompt très vite les liens avec le Lycée Descartes. Il en garde cependant » une formation d’excellence, l’appartenance à la cohorte de Cartésiens et son meilleur ami, qui le soir du 13 novembre au Carillon a partagé avec lui une bière mais pas sa chance… »
L’EDHEC, un choix purement opportuniste !
Selon Mehdi Zaidi, son parcours dans le supérieur est parfaitement opportuniste. Il part étudier la médecine à Paris pendant deux ans, mais l’ennui et l’inhospitalité des amphis le poussent à abandonner. Il s’inscrit alors en classe préparatoire à Rabat, souhaite étudier à nouveau le français, les maths et la philo. C’est donc un retour au Lycée Descartes avec des profs exceptionnels et des amitiés nouvelles! Après sa prépa, il intègre l’école de commerce l’EDECH à Lille.
Ces années boulot, son mode de vie, ses passions
Bon élève, Mehdi peut se permettre des absences aux cours et des escapades régulières en Belgique, aux Pays-Bas et à Paris. Il a découvert à l’EDHEC ce qu’il ne voulait pas faire, en particulier la finance de marché ou d’entreprise, cliché de l’étudiant marocain en Grande École selon lui.
Son travail de consultant en conduite du changement consiste à conseiller comités de direction ou cabinets ministériels quant à leurs stratégies. Il crée ensuite le dispositif qui permettra aux collaborateurs de construire collectivement la nouvelle organisation d’une entreprise ou d’un cabinet.
Ses passions ? Le Ciné, les expos, les restos, lire un bouquin au Palais Royal, sillonner Paris ou la côte Normande sur Lors Jagger, son vélo de route motobécane des années 70 qu’il a remis à neuf et prendre des verres en terrasse…
Prolepse d’une vie
Le soir du 13 novembre 2015, Mehdi est à la terrasse du café le Carillon en compagnie d’Amine Ibnolmobarak, son ami d’enfance, Maya, son épouse et deux amies, Charlotte et Emilie. Sur cinq, Maya et Mehdi ne sont aujourd’hui plus que deux. Touché de six balles dans le ventre et les membres, Mehdi sait qu’il gardera des séquelles physiques et psychologiques à vie. Mehdi Zaidi est rentré chez lui début mai après six mois d’hospitalisation. Pour l’instant, il se concentre sur sa reconstruction mais il pense à quelques mois de solitude, d’introspection cet été en sillonnant l’Europe en sauts de puce successifs avant de découvrir l’Inde l’hiver prochain. Il reprendra son travail à la rentrée de septembre 2016.
Mehdi a été sollicité par un journaliste du Monde qui a consacré une série d’articles à la mémoire des victimes du 13 novembre. Mehdi a accepté de partager ses doutes car il en avait besoin pour sa reconstruction. Il se définit comme « un geek prédisposé à tout contrôler » qui a brutalement compris le 13 novembre qu’il ne maîtrisait rien. La découverte de la fragilité et de la préciosité de la vie l’a rendu « plus humain ». Il avoue avoir pensé à la résurrection de Lazare après avoir revu une scène du film Poulet aux prunes de Marjane Satrapi et Vincent Parronaud dans laquelle les deux protagonistes fument des cigarettes Lazarus. Il se sent aujourd’hui dans la peau d’un Lazare avec l’envie de remonter sur son âne et d’avancer. « On m’a rendu la vie, je vais en profiter. ”
Mehdi en quelques dates…
1997 : Mehdi Zaidi arrive en sixième au Lycée Descartes
2004 : Mehdi obtient un bac scientifique et part étudier la médecine à Paris.
2006 : Mehdi revient au lycée Descartes pour étudier en CPGE économique.
2008-2012: Il intègre l’EDHEC de Lille et suit des études de consulting.
En 2012, il intègre le cabinet de conseil Carewan à Paris
13 novembre 2015 : Mehdi est touché par six balles alors qu’il était à la terrasse du café le Carillon avec des amis. Il est hospitalisé dans un hôpital parisien pendant plus de six mois.
Hanna Tabyaoui et Yanis Tabyaoui