Le genre désigne les différences entre les hommes et les femmes liées au contexte social et culturel. Il sert à évoquer les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités et les attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes. Les religions qui ont posé de nombreuses règles dans les sociétés à travers les âges pour permettre le vivre ensemble ont aussi établi les bases du concept de genre. Ainsi, dans la plupart des sociétés contemporaines et dont l’histoire et la culture se sont forgées autour des religions monothéistes, le genre est dual: la distinction entre hommes et femmes est clairement établie et les individus ne trouvant pas leur place dans cette organisation se voient souvent marginalisés. Les stéréotypes de genre créés par la société poussent à une hiérarchisation et donnent naissance à des inégalités de genre. En effet, dans la majeure des sociétés occidentales actuelles, le genre masculin et les attributs qui y sont attachés sont valorisés par rapport au genre féminin. Pourtant, différentes conceptions du genre sont possibles et ont existé au cours de l’histoire.
Comment la conception du genre varie-t-elle d’une époque à l’autre et d’une culture à une autre?
Un autre façon de concevoir le genre :
Amérique du Nord précoloniale: les Êtres-aux-deux-esprits
Dans la plupart des sociétés amérindiennes précoloniales, les Berdaches étaient des individus qui s’identifiaient comme homme et/ou femme, masculin et/ou féminin, homosexuel et/ou hétérosexuel. Ce type d’identité a été observé dans plus de 155 tribus à travers toute l’Amérique du nord. Ainsi, il arrivait que des femmes combattent lors de guerres tribales et soient mariées à d’autres femmes, de même que certains hommes étaient mariés avec d’autres hommes. Les Êtres aux-deux-esprits, comme on les appelait aussi, étaient souvent des voyants, des guérisseurs, des sages. Ces individus étaient perçus comme appartenant à un troisième voire à un quatrième genre. Dans presque toutes les cultures, ils étaient honorés et révérés.
En Inde: les Hijras
En Inde, les Hijras forment une caste du troisième genre existant depuis 4000 ans. Nées dans un corps d’homme, les Hijras se considèrent femmes.
Dans la culture indienne antique, les Hijras ont un statut sacré au sein de la société: elles apportent prospérité et fertilité aux demeures qu’ils visitent. Employées pour chanter et danser lors de grandes célébrations, il leur était aussi demandé d’apporter leur bénédiction aux jeunes mariés et aux nouveaux nés. Les hijras se regroupent en communautés très structurées: les chelas, avec à leur sommet, un guru. Les communautés définissent de nouveaux liens de parentés entre les membres (père, oncle, mère, mariages…), chaque Hijra se voit donc attribuer une nouvelle identité. Traditionnellement, les Hijras vivent des dons et de la générosité de la population. Cependant, aujourd’hui, leurs pratiques sont condamnées par la société Indienne. Beaucoup de Hijras sont réduites à la mendicité et à la prostitution.
En 2014, la Cour Suprême de l’Inde a reconnu légalement l’existence des Hijras et par là, leur a donné une véritable place au sein de la société. Ainsi, les Hijras pourront désormais travailler hors des sphères d’activités qui leur sont traditionnellement dévolues, choisir de demeurer au sein de leur famille biologique…
L’ère pré-colombienne au Mexique : les muxes
La civilisation Zapotèque est considérée comme l’une des plus anciennes et des plus avancées d’Amérique centrale. A l’époque pré-colombienne, de nombreux individus de cette communauté nés hommes choisissaient de s’identifier au genre féminin. Dans la langue Zapotec antique, aucune distinction n’est faite entre le féminin et le masculin: on emploie le terme “La-ave” pour parler des êtres humains, “La-ame” pour parler des animaux et “La-ani” pour parler des choses inanimées. Aujourd’hui, ces individus sont appelés les muxhes (terme dérivant de ‘mujer’ en espagnol). Dans les communautés villageoises où les traditions antiques se perpétuent, les muxhes sont hautement respectées; tandis que dans les villes plus grandes et plus occidentalisées comme dans la capitale Mexico, la transidentité et l’homosexualité restent très peu acceptées par la population.
Un lieu refuge : Juchitan
Juchitan est un village situé dans la région de l’isthme de Tehuantepec, dans l’État d’Oaxaca, au sud du Mexique qui regroupe la plus grande communauté de muxes, soit environ 5 000 personnes
En Thaïlande : les Katoï
Le terme Kathoey désigne une « personne ayant à la fois le sexe masculin et le sexe féminin » ou une « personne ayant l’esprit et la manière d’être opposé à son sexe d’origine». Avant l’arrivée des influences occidentales et la modernisation du pays mise en place par l’État thaïlandais, la catégorie kathoey semblait englobait toutes les catégories se distinguant des catégories d’homme et de femme : transgenres, travestis, hermaphrodites aussi bien qu’homosexuels. Aujourd’hui, les kathoey sont perçus par la société comme des individus affichant des caractères féminins marqués en particulier.
Les katoy sont socialement bien acceptées dans la société thaïlandaise. Cette tolérance est en grande partie due à la culture thaïlandaise : en effet, contrairement à d’autres religions, le bouddhisme ne condamne pas l’homosexualité ou la transidentité. Les katoy sont visibles dans toutes les scènes quotidiennes (et en particulier dans les milieux de la nuit et du spectacle) et à tous les niveaux sociaux. Aux yeux des étrangers, la Thaïlande semble être une « terre de liberté » pour les « troisièmes sexes » grâce à son climat de tolérance et à l’absence de sanction sévère ou explicite, légale ou religieuse envers ces personnes. Cependant de nos jours, plusieurs incidents dus à l’intolérance ou à la discrimination,touchent les Kathoey.
Ainsi, nous pouvons constater que la notion de genre n’est pas figée, elle est en évolution et en mutation constante en fonction de l’environnement socioculturel et des normes d’une société. Pendant une longue période, la conception du genre est restée figée à son état le plus strict: le féminin et le masculin, deux identités opposées, antagonistes. Cependant, des combats d’individus à la recherche de changement sont nés des mouvements prônants une vision plus souple et plus diverse du genre (ex: mouvement Queer ou LGBT).
Ainsi, De nos jours, ces communautés défendent le concept d’ “identités mouvantes” qui permettrait à chacun de choisir son genre ou même de définir son propre genre. Cette liberté est déjà garantie par l’Etat dans certains lieux comme à Washington ou dans l’Etat d’Oregon où il est devenu légalement possible de choisir pour genre “maculin”, “féminin” ou “X” sur sa carte d’identité. Cette tendance se développe également de plus en plus chez les jeunes: on peut remarquer aujourd’hui de plus en plus de statuts sur les réseaux sociaux sur lesquels sont précisés les pronoms (il/elle/neutre) qui convient le mieux à l’utilisateur.
Pour plus d’informations:
Pourquoi les personnes transgenres semblent plus acceptées en Asie du Sud-Est ?
(Article écrit également pour Sahmassociation)