Quand je sors dans la rue, tous les regards m’observent, me scrutent, femmes, gamins, adolescents, vieillards, hommes… tout le monde me regarde. Ai-je fait quelque chose de mal, ma djellaba, mon pyjama, mon foulard, ne sont-ils pas assez repoussants comme ça ?
Et après je me souviens que mon Maroc, c’est un pays qui connaît les plus grands agents secrets de la terre, un pays qui parvient à lutter contre la menace terroriste qui pèse sur le monde. Les sociologues le diront, les Arabes regardent, observent, scrutent. Chez nous, tout passe par le regard, en allant de la séduction au regard méprisant, en passant par le regard déçu et le regard amical, compatissant, énervé : tout est véhiculé par le regard.
Mais mis à part ce fait sociologique qui fait partie de nous, est ancré en nous depuis le plus jeune âge, le regard que je vois à présent est devenu un regard pesant. Un regard qui dit : « et toi la femme, tu fais quoi dans la rue, pourquoi tu n’es pas chez toi, ta place n’est pas ici, tu n’as pas le droit d’être là ». Un regard qui pousse alors les hommes à me scruter, à siffler derrière moi, à aborder des conversations dont ils sont déjà certains de n’avoir aucune réponse. Un regard devenu frustré. Un regard qui te désire, mais te hait, te veut mais sait qu’il ne peut pas t’avoir, un regard qui regarde en ayant l’intime conviction qu’il ne peut que regarder. Et puis le jour où ce regard a l’opportunité, la chance, le plaisir de toucher : il viole. Il s’empare de la proie, lui écrase les seins, savoure sa conquête car il sait qu’elle veut fuir, qu’elle va fuir et que ce plaisir forcé, est univoque et éphémère.
Salma Laalj TES