Le premier décembre 1944, dans une banlieue de Dakar, au sud de la presqu’île du Cap Vert, des hommes sont fusillés impunément.
C’est l’histoire d’un massacre, écarté par l’Histoire et qu’on découvrira bien après. Massacre reconnu seulement soixante-dix ans après par l’ancien président français, François Hollande. On se replonge aujourd’hui dans un crime longtemps dissimulé : le massacre de Thiaroye.
Les tirailleurs sénégalais mobilisés pour combattre au côté de la France, sont fait prisonniers en Allemagne après la défaite de mai-juin 1940. Après la Libération, ils sont renvoyés au Sénégal, à une quinzaine de kilomètres de Dakar, dans le but d’être démobilisés. Ils arrivent en Novembre.
Arrivés, ils doivent d’abord être démobilisés, donc renvoyés auprès de leurs familles. Toutefois, même après démobilisation, un bon nombre de tirailleurs africains refusent de quitter le camp : ils réclament leurs indemnités, promises depuis la Libération.
Le général Dagnan arrive au camp le 28 Novembre, et promet aux soldats de prendre en compte leurs revendications.
Mais, le 1er Décembre, ces soldats sont fusillés, le motif : une rébellion et de vives protestations de leur part ayant conduit les officiers français à ouvrir le feu.
Pourtant, des années plus tard, on prouvera que le motif était tout autre et les événements, mal rapportés. En effet, les rapatriés d’Europe et ex-prisonniers noirs, refusent de se rendre à Bamako sans les indemnités qui devaient leur être versées de droit et protestent contre leurs mauvaises conditions. Les tensions s’accroissent et une répression sanglante est organisée : on les réunit sur l’esplanade et on ouvre le feu à l’aide d’automitrailleuses.
Après cet épisode, les autorités militaires françaises désignent ces tirailleurs sénégalais comme des meneurs de rébellions, et les archives sont falsifiées et incohérentes par moment. Nombreuses des victimes du massacre de Thiaroye n’ont pas droit à la mention « mort pour la France » dans leurs dossiers.
Le bilan aurait été, selon la version « officielle », de 35 soldats, dont 300 à 400 ont été camouflés, jetés dans des fosses communes, d’après les enquêtes de certains historiens.
L’ex président Français le reconnaîtra également en partie dans son discours à Thiaroye en 2012 :
« J’aurai aussi l’occasion de parler du drame de Thiaroye, demain. Ces tirailleurs sénégalais qui n’avaient pas reçu leur paye et qui arrivant à Dakar, et, protestant contre les conditions qui leur étaient faites, ont été tués par des balles françaises. Il nous faut aussi regarder notre histoire, chaque fois qu’elle n’est pas à notre gloire.»
François Hollande
A la suite de cette visite, les archives sur le massacre seront également remises au Sénégal.
Jusqu’à aujourd’hui, le combat continue, et Thiaroye reste un objet de lutte. Le cimetière en la mémoire de ces victimes reste un lieu en souvenir de ceux qu’on appelle “les martyrs du colonialisme”. Le massacre est adapté en film, par Ousmane Sembène en 1988, un film qui donne une plus grosse visibilité à l’histoire de ces soldats d’Afrique Occidentale.
Mais au-delà de tout cela, les descendants de ces soldats demandent justice, le nom des martyrs et la mention « mort pour la France ». Mais surtout, ils veulent que l’obscurantisme sur cette affaire soit écarté et qu’on la reconnaisse avec conviction comme le crime qu’elle est.
La répression de Thiaroye, Martin Mourre.
La révolte des tirailleurs sénégalais de Thiaroye, Julien Fargettas.
Synthèse sur le massacre de Thiaroye, Armelle Mabon.