Le 18 février, l’astromobile américain Perseverance s’est posé avec succès sur la planète rouge au terme de 7 minutes de suspense insoutenable pour la NASA. Il se situe dans le cratère de Jezero et va pouvoir entamer des recherches, notamment au sujet d’une éventuelle vie extraterrestre.
Le design de Perseverance est une évolution du rover Curiosity : son bras robotique permet d’effectuer le carottage et l’échantillonnage de roches
Un atterrissage réussi pour un moment historique
Durant toute la soirée de ce jeudi 18 février, qui restera une date importante dans l’histoire de la conquête spatiale, l’arrivée du rover Perserverance sur la planète Mars a suscité un enthousiasme sans précédent sur la twittosphère et dans les médias du monde entier. Selon des données du logiciel Visibrain, le nombre de tweets postés à ce sujet s’élevait à 1.5 million, correspondant à une moyenne de 53 messages par seconde lors des cinq heures qui ont entouré l’atterrissage. Même si ces chiffres sont largement inférieurs à ceux de l’invasion du capitole le 6 janvier dernier (430 tweets par seconde), ils restent tout de même importants pour un événement de ce genre. A 21h53, la sonde de la NASA est entrée dans l’atmosphère de Mars à la vitesse vertigineuse de 20 000 km/h et a parfaitement enchaîné les manœuvres complexes nécessaires pour déposer sur le sol martien le rover d’une tonne. Ces opérations ont duré 7 minutes et ont été menées de manière totalement autonome par la sonde puisque le centre de contrôle recevait les signaux d’information 11 minutes 20 après leur émission. A 21 h 58, l’ingénieure en charge des opérations du vol Swati Mohan a hésité durant quelques secondes avant de s’exclamer «atterrissage confirmé !», signifiant que Perseverance a touché le sol martien et qu’il est donc en bon état. S’en est suivi une éruption de joie dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory, mais malgré l’euphorie générale les employés de la NASA ont dû se limiter à de simples «checks», covid oblige.
L’exploration du cratère Jezero ouvre un nouvel horizon pour la recherche scientifique
Perseverance, l’astromobile qui a coûté des mois de travail et 2,5 milliards de dollars à la Nasa est donc sur Mars. Pour preuve de son bon état de fonctionnement, il a envoyé plusieurs images en noir et blanc sur lesquelles on peut observer le sol du cratère Jezero. On constate que le terrain est parfaitement plat poussiéreux, et parsemé de quelques cailloux. Le géologue spécialiste de Mars, Nicolas Mangold, qui fait partie de la mission Mars 2020 a affirmé «Le site est très plat, avec surtout du sable, mais nous sommes juste au milieu de deux terrains très intéressants qui vont nous occuper pendant plusieurs mois. À l’est, des roches fracturées avec un peu moins de sable, et à l’ouest des terrains plus clairs, plus rugueux.». Le cratère Jezero est une grande cavité circulaire de 45 km de diamètre qui s’est formée à la suite d’un gigantesque impact. Il y a 3.5 millions d’années, cet endroit abritait un lac dans lequel se déposaient de nombreuses couches de sédiments, c’est pourquoi il a été choisi par les experts de la mission. Cette eau a disparu depuis longtemps, mais le delta fluvial situé sur le bord du cratère est un site intéressant que le robot à 6 roues pourra explorer afin de rechercher d’éventuelles traces de vie. En effet, des argiles présentes dans le sol de Mars pourraient avoir piégé les vestiges de bactéries; des tirs au laser et des prélèvements permettront donc de l’analyser. «Nous sommes juste à deux kilomètres à vol d’oiseau de notre première cible principale, les bords du delta où nous allons chercher des strates sédimentaires», a précisé Nicolas Mangold. Grâce à la méthode du carottage qui sera pratiquée par le rover, les géologues auront la possibilité de retracer l’histoire du lieu et déterminer si les conditions sont favorables à la vie à travers l’empilement de couches sédimentaires.
Cette photographie du Mont Sharp à été prise le 9 septembre 2015 par le rover Curiosity, lui aussi envoyé sur Mars
La conquête spatiale, un enjeu géopolitique majeur
L’astrophysicien français de l’Irap Sylvestre Maurice, qui a notamment conçu la SuperCam du robot, a affirmé «Les équipes du JPL ont une nouvelle fois montré qu’ils étaient les meilleurs au monde pour ce genre de manœuvre, c’est vraiment impressionnant». Depuis ces dernières années, et dans un schéma qui semble calqué sur celui de la guerre froide, l’espace apparaît de plus en plus comme un enjeu militaire et un moyen d’affirmer sa puissance. Malgré l’exemple de coopération internationale qu’est l’ISS, il reste l’objet de tensions géopolitiques importantes. En effet, la rencontre prochaine entre Elon Musk, à la tête de l’entreprise d’aéronautique Space X, et le président russe Vladimir Poutine en est un exemple. Cet échange semble nécessaire pour les deux parties, le succès de la capsule Crew Dragon remettant en cause le monopole des navettes Soyouz sur les trajets vers l’ISS. Le lancement du rover chinois Yutu-2 sur la face cachée de la Lune en janvier 2019 illustre également cette rivalité et la volonté des grandes puissances de s’affirmer à travers la conquête spatiale. De plus, les Américains ne sont pas les seuls dont la planète rouge attise les convoitises puisque la Chine (Tianwen-1) et les Émirats arabes unis (Al-Amal) y ont aussi envoyé leur propre sonde en juillet 2020. D’autres puissances spatiales concurrentes, la Russie et l’Union Européenne, auraient pu partir au même moment mais ont loupé le coche : les envois de rovers sur Mars se font lorsque le Soleil, la Terre et Mars sont alignés, or cette période intervient tous les 26 mois. Nous pouvons ajouter que l’exploration du système solaire est extrêmement coûteuse, les budgets que ces Etats y consacrent se chiffrent en milliards d’euros, ainsi le choix de mener des projets d’une telle envergure ne peut être uniquement dû à la recherche scientifique. Pour finir, un dernier exemple de la dimension géopolitique de la course à l’espace est l’alliance entre Américains et Européens dans le cadre du programme spatial Artemis visant à retourner sur la Lune d’ici 2024.
Foucard Anis
Illustration : Nasa HQ Photo, Licence Cc By-Nc-Sa, https://www.flickr.com/photos/nasahqphoto/34357067771
Sources :