Les Ships : Bonnes additions à un fandom… ou Mauvaises pratiques à chasser  ?

 L’amour et les histoires d’amour sont une partie fondamentale des vies de nombreuses personnes ; ce n’est alors sans aucune surprise que cet aspect de l’expérience de nombreux humains se retrouve dans les médias créés par les humains. Il n’est pas surprenant non plus que les consommateurs de ces médias s’investissent dans ces histoires d’amour et en créent leur propre dans le média consommé. Pourtant, créer ces histoires d’amour – ces “relation-ships” -, est-ce pour le meilleur ou pour le pire ? Quelles sont les répercussions de ces “ships” sur l’œuvre en elle-même ? Sur le fandom ? Comment est-ce qu’un ship peut-il influencer une œuvre, et l’image associée à celle-ci ?

 Nous sommes en Février (enfin, Mars quand cet article sera publié) – et qui dit “Février” dit aussi “Saint-Valentin”, qui dit “Saint-Valentin” dit “Amour”, qui dit “Amour” dit aussi “histoire d’amour” ; et qui dit “histoire d’amour” de nos jours dit “Ships”. Non, il ne s’agit pas ici de parler de bateau, mais de relations amoureuses.

 Ainsi, qu’est-ce qu’un “ship”, ou le verbe “shipper” ? Tout simplement, “shipper” est l’acte d’encourager et d’entretenir l’idée que deux (ou plusieures) personnes soient dans une relation amoureuse. Les ships sont un concept très général, qui peut s’appliquer à la fiction comme à la réalité. Si vous trouvez que deux personnages d’un film ou deux de vos camarades de classe iraient bien ensemble, alors vous les shippez. 

 Bien que le concept de shipper des gens soit aussi vieux que l’humanité elle-même, la terminologie des “ships” n’est apparue que lors des années 60-70, dans les fandoms de science-fiction vintage ; et surtout, dans le fandom de Star Trek. C’est là où s’est développé un des ships les plus populaires de l’histoire, considéré par la plupart comme le premier ship tel qu’on l’entend aujourd’hui : Spirk, aussi connu sous les noms K/S ou Spock/Kirk, le ship de Spock et du capitaine Kirk dans Star Trek. (Remarque : le slash était la marque d’un ship lors des années 60-70 ; de nos jours, on aura plus tendance à utiliser un x, comme dans “Spock x Kirk” pour dénoter un ship). C’est le premier ships dont a été dessiné du fanart, écrit des fanfictions, et avec autant de shippeurs que l’on voit aujourd’hui.

 C’est ainsi Spirk qui a ouvert la voie à tout le shipping que l’on voit autour de nous dans chaque pièce de média. Et naturellement, dû à l’explosion de l’intérêt envers les ships depuis, de nombreuses connotations, amélioratives et péjoratives, se sont attachées aux ships. Et en effet, les ships sont une épée à double tranchant. De nombreuses pièces de médias ont été ruinées par les ships, de nombreux fandoms sont en guerre à cause des ships, et de nombreux ships populaires suscitent des controverses encore aujourd’hui. Ainsi, cet article ne représente que le pointe de l’iceberg du monde fascinant des ships.

  DISCLAIMER : Cet article est à moitié critique, moitié billet d’humeur de ma part ; je serais alors totalement subjectif ici. Les ships sont extrêmement subjectifs ; mes opinions ne sont en aucun cas objectivement la norme. Remarque, je suis moi-même un shippeur acharné. Ici, je ne fais que pointer ce qui me dérange et dérange le public à propos des ships et les critiquer. Si vous n’aimez pas la subjectivité, n’êtes pas d’accord avec mon opinion ou n’appréciez pas l’émotion dans un article journaliste, ceci n’est pas l'article pour vous. J’ai autant le droit de montrer mon opinion que vous, et vous êtes complètement responsables du contenu que vous consommez. 

I – Qu’est-ce qui fait un bon ship ?

 Pour comprendre vraiment les subtilités d’un ship, il faut tout d’abord comprendre ce qui crée un ship. Généralement, les ships se divisent en trois grandes catégories : canon et non-canon. Un ship canon est un ship qui se réalise dans une pièce de média et/ou qui est confirmé par les auteurs ; Kataraang (Katara x Aang) ou Dumblewald (Dumbledore x Grindelwald) sont des ships confirmés par la pièce de média ou les auteurs, ils sont ainsi canons.

 En revanche, un ship non-canon est un ship qui n’est pas confirmé, voire invalidé, dans la pièce de média ou par l’auteur. Pourtant, une autre sous-division se forme dans le non-canon : il y a le non-canon régulier et le fanon. Le non-canon régulier peut contenir n’importe quel type de ship ; Sam x Frodon du Seigneur des Anneaux est un ship non-canon.Le fanon est une sorte de “club VIP” des ships non-canons ; seuls les ships non-canon favoris des fans ont une place dans le fanon. Larry Stylinson (Louis Tomlinson x Harry Styles), Johnlock (John Watson x Sherlock) ou Destiel (Dean x Castiel) sont tellement connus qu’ils ont une place dans le fanon, et méritent amplement le titre de “favoris des fans”.

 En examinant les dynamiques et types de ships présents dans le fanon –  et dans le canon, tel que BBRae (Beast Boy x Raven) -, on peut en extraire les caractéristiques d’un ship engageant. Les ships rencontrés dans le fanon ont tendance à être ce que j’appelle des “ships organiques” (par opposition à des “ships artificiels”) : les ships organiques suivent le développement d’une relation organique et réaliste entre deux personnages, qui investissent et mettent le travail pour développer ce petit bout d’alchimie qui fait qu’ils vont bien ensemble et le cultiver pour devenir de l’amour, et où chaque membre de la relation reste tout aussi important seul qu’avec son partenaire.

 Ainsi, c’est avec ce fondement que l’on peut voir quels sont les problèmes intrinsèques d’un ship dans une œuvre qui fait qu’il n’est pas populaire auprès du fandom. Et pour cela, je vais utiliser la série télévisée par excellence en matière de mauvais ships, qui réussit à avoir tout ce qui rend un ship engageant ou irritant. Je parle, bien sûr, du cas de Miraculous Ladybug.

1 – Ils s’aiment trop peu… :

 Parfois, le fandom ne shippe pas car un ship n‘est pas juste pas assez organique. Soit les auteurs ont crée un ship avec tout simplement aucune alchimie ou les deux membre du ship ne vont juste pas bien ensemble. Soit les auteurs ont crée un ship trop facile. C’est ce que j’appelle un “ship artificiel” ; aucune tension, aucun développement, aucun travail sur soi-même ou sur la dynamique de ship ; c’est comme s’il était déjà prêt dès le début. Ce type de ship n’est pas à confondre pourtant avec un ship déjà établi depuis le début ; un ship artificiel a tout du ship établi, à l’exception du fait qu’il n’est pas établi. Dans un ship établi, on profite des tendres et tumultueux moments de la vie de couple, en plus de pouvoir encore développer la relation au-delà d’être en couple. Dans un ship artificiel, on ne peut que se demander ce qui empêche les personnages de se mettre déjà en couple ; et à terme, on finit par être frustré par le ship, et l’abandonner.

 Dans Miraculous, je trouve que deux ships illustrent parfaitement bien ces problèmes. Dans le premier cas, il s’agit du Adrigami (Adrien x Kagami) ; en trois saisons et deux téléfilms que j’ai regardé de Miraculous, je n’ai jamais ressenti cette alchimie entre eux, ce sentiment de la part de chacun d’eux à vouloir se rapprocher de l’autre, à vouloir leur parler et apprendre à les connaître. Quant au cas du “ship artificiel”, je trouve qu’il est très bien illustré par le Ladrien (Ladybug x Adrien). Pour un peu de contexte, Miraculous est réputé pour son carré amoureux. Tout simplement, les deux personnages principaux, Marinette et Adrien, ont des identités secrètes de superhéros :  respectivement, Ladybug et Chat Noir. Marinette aime Adrien, Adrien aime Ladybug, mais aucun des deux ne connaît l’identité secrète de l’autre. Certes, c’est une dynamique originale qui a crée un excellent ship (j’en parlerai un peu plus tard) ; mais il apparaît évident que le Ladrien tombe dans la catégorie du ship artificiel. Ladybug et Adrien s’aiment ; mettez-les dans un même espace pendant une durée légèrement étendue de temps et ils auront déjà avoué leurs sentiments. Il n’y a pas de développement, pas d’évolution, pas de travail à faire ; le ship est déjà servi, prêt à être canon depuis le début. C’est ce qui rend le Ladrien tellement impopulaire ; il n’y a aucune raison à ce que les personnages ne se mettent pas ensemble dès le début ; en plus, un ship où il ne faut rien faire est ennuyeux. Le Adrigami souffre d’un manque d’alchimie et d’une incompatibilité des personnages. Le Ladrien souffre en étant un ship artificiel pas assez développé.

2 – …ou beaucoup trop :

 Dans le cas contraire, le fandom ne shippe pas parce qu’il y en a beaucoup trop. Ce n’est généralement pas dû à cause d’un ship “trop organique” ; dans mon expérience du moins, j’ai rencontré très peu, voire aucun, ship qui souffrait d’être trop organique. Le fait qu’il y en ait beaucoup trop est le plus souvent dû au nombre de ships qu’il peut bien y avoir dans une pièce de média. Souvent dûs à une envie de résoudre tous les futurs des personnages, les auteurs en font trop en mettant absolument tout le monde dans des relations amoureuses. On finit alors avec une pelote de relations entre des personnages qui n’ont jamais interagi auparavant, et entre des personnages tellement secondaires qu’il serait juste meilleur aux auteurs de fanfics de continuer leurs histoires. A terme, les ships deviennent tellement compliqués qu’il faut un organigramme. De plus, ce genre de problème, que j’appelle “la soupe au ships” est une occasion dorée pour des tropes horribles, tels le triangle amoureux (ou l’hexagone amoureux – une horreur, vous verrez), qui ne font que distraire des ships originels dont le fandom est vraiment très investi, et qui devraient normalement recevoir toute l’attention.

 C’est un problème très apparent – si ce n’est le plus apparent – dans les ships de Miraculous selon moi. A titre de référence, voici ci-dessus un organigramme que j’ai réalisé des ships canons de Miraculous. Je tiens à dire que je n’ai inclus que les ships strictement canons des personnages essentiels à l’histoire ; si je venais à inclure tous les ships, je n’en aurais pas fini d’ici cinquante ans. Mais je pense que rien que cet organigramme montre le phénomène de soupe aux ships ; chaque personnage doit être mis en couple avec un autre, même s’il s’agit du personnage qui est apparu uniquement pour que Ladybug et Chat Noir aient une victime à libérer du méchant de l’épisode. Par conséquent, on ne voit pas aussi souvent que le faut les dynamiques des ships principaux. le carré amoureux, une dynamique originale est assez complexe pour en extraire beaucoup de drama et de relation organiques passionnantes à voir se développer ; s’encombrer avec beaucoup trop d’autres ships qui ne sont absolument pas développés vole du temps, donc des opportunités, de résoudre le carré amoureux. D’ailleurs, je veux juste attirer votre attention sur un détail : sur 18 ships montrés ci-dessus (et tous les ships canons de Miraculous), il n’y a que 2 ships gays. A méditer…

3 – Mais c’est beau quand ils s’aiment beaucoup :

 J’avais plus tôt mentionné que le carré amoureux a crée un excellent ship ; et c’est vrai qu’il existe un ship qui est tellement fantastique dans le carré amoureux qu’il est devenu fanon. Comme on ne peut pas avoir de bonnes choses avec cette émission, les auteurs de Miraculous ont invalidé la possibilité de ce ship ; mais le fandom le shippe tellement qu’il est arrivé au niveau de fanon, et est dans le top 3 des ships les plus shippés de Miraculous. Je parle, bien sûr, du Marichat.

 Le Marichat est le ship, dans le carré amoureux, de Marinette et de Chat Noir. Si on se réfère à l’organigramme ci-dessus, il s’agit du seul ship du carré amoureux (au centre) ou aucun des deux partis ne ressent canoniquement de l’attraction pour l’autre. Ce ship n’a donc aucun fondement ? Si. Je dirais même qu’il s’agit d’un ship organique, mais qui n’a pas été complété. Dans tous les autres ships du carré amoureux, on observe qu’un des personnages a une attraction pour l’autre, sans toutefois agir dessus ; le Ladrien est un ship artificiel, le Adrinette (Adrien x Marinette) et le LadyNoir (Ladybug x Chat Noir) sont trop “sPéCiAuX” et “EnDgAmE” pour qu’il y ait de développement dans la relation des deux personnages. Mais le Marichat consiste en un ensemble de scènes où l’on voit enfin Marinette et Chat Noir se faire confiance, se parler, apprendre à se connaître. Il y a une scène fantastique dans un épisode de la saison 2 (je mettrais le lien de cet épisode à la fin de l’article). Dans cette scène, Marinette et Chat Noir ont tous les deux des peines de coeur ; ainsi, Chat Noir va chez Marinette. Ils discutent un peu et montrent leurs peines l’un à l’autre. Puis, pour lui remonter le moral, Chat Noir fait un candeau à Marinette qu’elle adore.

 Ce genre de scène illustre parfaitement bien ce qu’est un ship organique ; Marinette et Chat Noir partagent quelque chose de véritablement substantiel entre eux, montrant qu’ils se font confiance. En faisant son cadeau, Chat Noir montre une affection sincère envers Marinette. Cela obéit à la fameuse règle du “montrer, ne pas dire” : pour tous les autres ships du carré amoureux, on nous dit que l’un est amoureux de l’autre. Mais pour le Marichat, on observe le lien qui se développe entre Marinette et Chat Noir, comment chacun des deux travaille pour venir en aide à l’autre (Marinette qui écoute Chat Noir et Chat Noir qui offre un cadeau à Marinette). Cette scène n’est qu’une seule parmi de nombreuses scène pareilles entre Marinette et Chat Noir, des scènes qui montrent le Marichat comme un ship organique, dans lequel on peut s’investir. C’est ce qui a mené le Marichat à devenir fanon. Et étant fanon, le Marichat a été l’objet de plusieurs fanfictions, de dizaines de montages, de centaines de fanarts. Une grande majorité du Marichat tel qu’il est connu dans le fandom Miraculous a été codifiée par le fandom en lui-même, qui a pris les bases d’un ship organique déjà présentes dans le canon, et a grandement développé dessus.

 Ainsi, le cas Miraculous illustre comment le ship est vraiment une épée à double tranchant dans une œuvre. Miraculous a de gros problèmes de ship ; les ships artificiels comme le Ladrien ou la soupe aux ships handicapent l’œuvre et la rendent moins amusante à regarder. Pourtant, certains ships, tels le Marichat, montrent comment le fandom peut créer quelque chose de spectaculaire et qui ne fait qu’améliorer l’œuvre.

Lien de la scène :

https://www.youtube.com/watch?v=x3XTFJ9iijk

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 Nous avons donc appris à travers cette partie 1 qu’un bon ship requiert beaucoup de temps et de patience, et doit être construit organiquement pour plaire à un fandom. Ainsi, les ships dans une œuvre ne doivent jamais être laissés à la légère. 

Dans la partie 2, qui sortira en Mars, nous verrons ce qui se passe dans un fandom lorsque les ships sont laissés à la légère. Restez alors attentifs à « Les Ships : unificateurs ou diviseurs d’un fandom ? »

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